Francis Bacon à Rome

Le Caravage, Madone des Palefreniers (1605) Bacon, Etude de nu avec figure dans un miroir

Après l’exposition de la Tate Gallery en 2009, qui a donné lieu à la publication d’un passionnant catalogue, on pouvait voir des toiles de Bacon à la Galleria Borghese jusqu’au 24 janvier 2010. Il s’agissait comme on sait de célébrer dignement le centenaire de la naissance de l’artiste. Mais autant la rétrospective de Londres s’imposait, autant le parallèle Bacon / Caravage proposé par la conservatrice du musée romain Anna Coliva, coutumière, paraît-il des rapprochements acrobatiques destinés à faire valoir les collections permanentes du musée, semble vraiment tiré par les cheveux. Car au-delà des ressemblances de surface telle que peut les résumer un magazine grand public italien (deux peintres « radicalement anticonformistes », peignant le « cri de la vie, de la chair, de la mort, du mystère et du mysticisme » selon Philippe Daverio), on reste un peu perplexe. Les rationalisations proposées ici et là, par exemple dans une page du supplément du Monde de novembre 2009 par Jérôme Fronty citant Ernest Pignon-Ernest nous laissent sur notre faim. Le rôle du « corps » par exemple, c’est vague. La référence à des sujets religieux « hantés par l’idée de la faute et de la rédemption » aussi. Tout se passe comme si on voulait justifier après coup le choix de Coliva. Quelque chose surgira du rapprochement inédit des oeuvres dans un même espace. Il ne se passe rien de tel, hélas. De toute évidence les commissaires de l’exposition (parmi lesquels Michael Peppiatt, pourtant) ont trop fait confiance à une intuition (ou une coïncidence de dates, l’un est né en 1909, l’autre mort en 1610) qui ne les a pas menés bien loin. Ils y ont si peu cru d’ailleurs que les textes du catalogue traitent séparément les deux peintres et que les salles Caravage / Bacon sont éparpillés dans le musée et si mal fléchées qu’on peut facilement rater la salle du 1er étage où trônent pourtant La Madone des Palefreniers et La madone des Pèlerins. On les revoit avec délices, bien mis en valeur sous les hauts plafonds. On est très content de redécouvrir en passant L’Amour sacré l’amour profane du Titien et les sublimes sculptures du Bernin. Mais le Triptyque inspiré de l’Orestie d’Eschyle et d’autres toiles aimées de Bacon font dans ce contexte figure d’intrus. Une chose est certaine, ce n’était pas le but. Au contraire. Mais au mieux, dans ces salles censées les rapprocher, Caravage et Bacon s’ignorent (à suivre).

About Annie Mavrakis

Agrégée de lettres et docteur en esthétique, Annie Mavrakis a publié de nombreux articles ainsi que deux livres : L'atelier Michon (PUV, février 2019) et La Figure du monde. Pour une histoire commune de la littérature et de la peinture (2008).

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2 Comments on “Francis Bacon à Rome”

  1. Je l’ai acheté à Rome après ma visite de l’expo. J’imagine qu’il est en vente par correspondance.

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