Un inédit paru dans le Cahier de L’Herne Philippe Descola, dirigé par Grégory Delaplace et Salvatore D’Onofrio (Paris, Éditions de L’Herne, 2024).
On lira bientôt dans J’écris l’Iliade cet extraordinaire récit qui met en scène à la première personne Pasiphaé aux prises avec son désir monstrueux.
En attendant, voici un extrait où Dédale installe la reine dans le dispositif qu’il a construit pour rendre possible son accouplement avec le taureau blanc.
Dédale passe une onction entre mes jambes, des humeurs de la même génisse. Ça sent le poisson abîmé. Il me tire par mon anneau. Il me dit des mots d’amant : Tu mouilles, ma Reine ? allez, grimpe. Ton harnais. Je tremble tant que je rate l’enjambée, je me fais une éraflure à la cuisse. Puis la cage : le frémissement des orteils, sous la cambrure extrême la ruade de ma croupe, l’ajustement de nos vulves. Dédale boucle sur moi mes cuirs, puis la trappe ; tous s’éloignent vers l’orée d’où ils assisteront. Je pense dans mon harnais aux délices du pouvoir. Puis je ne pense plus rien, sanglée dans l’attente pure. Je vais être saillie. Il y a trois ans que… À peine si je bouge le visage, mon anneau résonne contre le châssis. Il me tire le nez comme le désir fait sortir son bourgeon de mon ventre. J’entends rire les filles. Beaucoup de rires d’hommes aussi : vachers et esclaves sont là, les bons sujets. Les bons porteurs d’ordure. Je me dis que je suis une bonne Reine, je fais l’unanimité et les ai bien en main, mes sujets, mes laquais, ma populace : ils accourent à mon passage, bien soudés entre eux. Je ris brièvement. Ils bandent ferme. Je leur ferai couper la langue. Et la verge. Sauf à Basileus, il est déjà coupé, et d’ailleurs je ne l’entends pas rire. Et toi Thémis, tu brameras plus librement quand je te ferai écorcher au soleil de midi. Je siffle entre mes dents : À mes pieds !Je serre mes cuisses sur le bois qui les disjoint ; mon bourgeon s’y frottant se dresse. Mes os même s’enflamment. Le premier orgasme me secoue sous les rires, j’ébranle la vache, mon anneau de nez danse et frappe la cloison, mes cris couvrent les rires. Je n’ai pu arquer le dos, j’ai cru que la sangle allait me briser les reins, en me rivant au plus bas, le ventre frottant le plancher de ma cage, prosternée devant mon maître. L’aube est longue à venir, elle vient.