Je lis – c’est ce qu’on dit un peu partout – que J’écris L’Iliade serait une entreprise d’auto-désacralisation par laquelle Pierre Michon – au grand scandale de ses fans ou à leur délectation – jetterait enfin à bas son statut de « grand écrivain », admiré d’avance quoi qu’il publie.
« J’écris L’Iliade » mérite mieux que ce topos journalistique. Cela fait si longtemps que Michon se moque du «monument » qu’il est devenu que son auto-irrévérence est elle-même devenue « monumentale »! Nul doute, soit dit en passant, que l’agacement ne soit teinté d’un secret soulagement : c’est comme d’être mort a-t-il dit quelque part, on n’a plus rien à prouver!
L’auto-dérision est partout chez Michon et certes J’écris L’Iiade ne fait pas exception à la règle. On y rencontre de comiques avatars de l’auteur, comme ce sympathique « Michon » au style « sado et gnangnan », seul lecteur du génial texte d’un auteur méconnu nommé Sylvain Delille. Ne boudons pas notre plaisir.
Mais J’écris L’Iliade ne tire pas sa singularité d’être un déboulonnage en règle du Grand Auteur par lui-même. C’est au contraire le livre le plus puissamment affirmatif, le plus vertigineusement allègre qu’il ait écrit. Qu’il l’ait fait dans la foulée des Deux Beune, métamorphosant un projet de roman inabouti de ces dernières années, témoigne du « réveil » dont j’ai parlé dans mon article de Critique (n°930), réveil qui n’est pas placé pour rien sous le signe, cruel et impérieux, d’Aphrodite.
Pour accompagner la lecture de J’écris l’Iliade , je conseille les trois entretiens menés par Richard Gaîtet sur Arte Radio, 17 septembre 2024 avec Pierre Michon en juin 2024, en trois parties.